Pourquoi l'accélération de la restauration des écosystèmes au Sahel doit être une priorité cette décennie

Par Nicole Schwab, Co-Head of Nature-based Solutions, World Economic Forum, et Florian Reber, Community Lead, 1t.org, World Economic Forum

Pourquoi l'accélération de la restauration des écosystèmes au Sahel doit-elle être une priorité?

La réponse courte: parce qu'il s'agit d'un élément essentiel des actions nécessaires pour réaliser de vastes opportunités de développement durable au Sahel, au profit de la population sahélienne croissante et en créant de nouveaux marchés pour les entreprises régénératrices urgentes qui sont positives pour le climat et la nature.

La réponse légèrement plus longue est la suivante:

Le Sahel est un paradoxe de défis et d'opportunités de développement durable.

D'une part, environ 30% de la population sahélienne a besoin d'une aide humanitaire d'urgence alors que la région est aux prises avec une situation sécuritaire et conflictuelle difficile. La région est également aux prises avec une vulnérabilité sociale et écologique importante au changement climatique et un doublement attendu de la population d'ici 2050 .

Dans ce contexte, atteindre les objectifs de développement durable - y compris la sécurité alimentaire et nutritionnelle, la réduction de la pauvreté et des moyens de subsistance durables - est aussi difficile que nécessaire.

D'un autre côté, le Sahel est une région aux opportunités énormes. La région est dotée d'un immense potentiel d'énergie solaire - à la fois à l'échelle des services publics et à l'énergie solaire hors réseau - et dispose d'une riche dotation en ressources naturelles. Avec 64,5% de la population âgée de moins de 25 ans , la région est également l'une des plus jeunes du monde, ce qui signifie que l'investissement dans l'éducation et la formation peut générer un dividende démographique important pour le Sahel.

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Cependant, l'une des plus grandes opportunités du Sahel réside dans la restauration des terres dégradées et le développement d'une agriculture et de systèmes pastoraux climato-intelligents. C'est pourquoi des initiatives de premier plan telles que l' Initiative de restauration des paysages forestiers en Afrique et l' Initiative de la Grande Muraille Verte ont fixé l'objectif de restaurer 100 millions d'hectares de terres d'ici 2030.

Aujourd'hui, 13 ans après le lancement de l'Initiative de la Grande Muraille Verte en 2007, seuls 20% de l'objectif de 100 millions d'hectares ont été atteints . (En comptant plus strictement, certains disent que le nombre n'est que de 4%.) De toute évidence, les 10 prochaines années doivent être une décennie d'action beaucoup plus rapide, mise en œuvre à plus grande échelle.

La mise à l'échelle des approches d'agroforesterie et de régénération à travers le Sahel sera un élément central de ce programme d'action.

L'agroforesterie est le terme générique technique pour une variété de ces pratiques. Imitant la diversité des écosystèmes naturels, l'agroforesterie est la combinaison intelligente de cultures, d'arbres, de plantes et de bétail pour former un système de production holistique, diversifié et autosuffisant. Il remet l'agriculture dans le paysage, est régénératrice et réduit la dépendance des agriculteurs à des intrants chimiques coûteux, tout en améliorant la santé des sols et la productivité des cultures en stockant plus de carbone dans le sol.

Les écopreneurs innovants ont commencé à exploiter cette opportunité il y a des décennies, en réintroduisant des techniques anciennes à plus grande échelle, en se mélangeant aux connaissances de la nouvelle science et en travaillant en étroite collaboration avec les communautés locales. Leur succès prouve comment ces solutions fondées sur la nature non seulement restaurent et reverdissent les parcs sahéliens , mais contribuent également à améliorer la sécurité alimentaire, nutritionnelle et des revenus, ainsi que la diversité des agriculteurs, réduisant la vulnérabilité aux chocs climatiques, augmentant l'approvisionnement en bois de feu et développant marchés de produits locaux.

Le rôle de la régénération naturelle gérée par les agriculteurs (FMNR)

L'une des solutions d'agroforesterie les plus efficaces convainc par sa simplicité et sa nature peu coûteuse: la régénération naturelle gérée par les agriculteurs (FMNR). Il consiste à tailler des souches d'arbres apparemment mortes et à gérer soigneusement leur repousse en arbres (plutôt que de planter de nouveaux arbres). Initialement développée au Niger - où plus de 5 millions d'hectares ont été restaurés avec succès avec la FMNR - la méthode se répand maintenant dans au moins 24 pays d'Afrique et d'Asie du Sud-Est .

On estime que les investissements financiers nécessaires pour mener à bien ces projets de restauration des écosystèmes dans tout le Sahel se situent entre 36 et 43 milliards de dollars pour la période 2021-2030 , hors coûts de renforcement des capacités, de formation et de changement de politique. C'est 17 à 20 fois plus que le financement alloué à l'Initiative de la Grande Muraille Verte au cours de sa première décennie.

Débloquer les investissements du secteur privé et le soutien à la restauration a toujours été un défi. La création de marchés permettant des politiques publiques, une structure de gouvernance décentralisée garantissant l'appropriation par les communautés locales, un suivi efficace et efficient et des droits fonciers clairs jouent sans doute tous un rôle essentiel en favorisant les investissements dans les produits du Sahel.

Les acteurs du secteur privé peuvent désormais saisir trois opportunités pour augmenter à la fois l'offre et la demande de projets investissables:

1. Investissement par la finance carbone. La Grande Muraille Verte a un potentiel de séquestration du carbone dans le sol de 250 millions de tonnes d'ici 2030 . Alors que les entreprises du monde entier renforcent leurs engagements climatiques, la demande de compensation carbone à haute intégrité, en particulier pour des solutions fondées sur la nature telles que l'agroforesterie, augmente. De nouvelles normes de mesure du carbone du sol permettent la certification du carbone de la gestion améliorée des terres agricoles, ce qui peut contribuer à intensifier le flux actuel de financement du carbone vers une agriculture climato-intelligente au Sahel.

2. Mettre à l'échelle des fonds d'investissement innovants et des programmes d'accélération pour les PME agroforestières. Les petites et moyennes entreprises tombent souvent dans le «milieu manquant», où l'accès au financement de la croissance est limité. Le défi est encore plus grand pour les écopreneurs qui cherchent à générer des rendements sociaux et environnementaux parallèlement à des rendements financiers, opérant dans une région souvent mal comprise comme le Sahel.

Au cours de la dernière décennie, un certain nombre de fonds ont vu le jour qui cherchent à combler cette lacune des écopreneurs au Sahel. Les exemples incluent le Moringa Fund , le Land Degradation Neutrality Fund, Sahel Capital , CDC et XSML Impact Investing . La poursuite de la mise à l'échelle de ces véhicules permettra la mise en commun de divers types de financement du secteur privé et aidera à surmonter les coûts de transaction liés à l'investissement dans des projets individuels.

3. Soutenir et autonomiser un mouvement d'écopreneurship. Pour que ces nouveaux véhicules d'investissement puissent déployer des fonds à grande échelle dans le Sahel, la région a besoin de beaucoup plus de projets de restauration investissables pour émerger. Si l'assistance technique traditionnelle basée sur des projets joue un rôle clé, il en va de même pour l'inspiration et l'autonomisation de toute une génération de jeunes leaders pour devenir des écopreneurs et rejoindre le mouvement de restauration. Des plates-formes de praticiens telles que le Global Landscapes Forum , de nouveaux programmes d'accélération tels que Land Accelerator ou GrowthAfrica de WRI , et des réseaux de jeunes tels que le Global Shapers Network du Forum économique mondial , Youth4Nature et d'autres sont des exemples d'acteurs du réseau qui soutiennent un tel mouvement écopreneurs à l'échelle mondiale, y compris au Sahel.

Avec la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes 2021-2030, le monde a l'opportunité de faire avancer le mouvement de restauration et d'inspirer davantage d'écopreneurship régénératrice à l'échelle mondiale.

Pour soutenir les objectifs de la Décennie des Nations Unies, y compris la mise en œuvre du potentiel d'écopreneurship du Sahel, le Forum économique mondial a lancé 1t.org , une plateforme multipartite pour aider à conserver, restaurer et faire pousser 1 billion d'arbres d'ici 2030